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Vertus du silence et de l’immobilité

Les philosophes l’ont compris !

“Le silence permet de trouver son destin.” (Lao Tseu)

“Tous les malheurs de l’homme viennent de ce qu’il est incapable de rester assis dans une pièce calmement et seul.” (Blaise Pascal)

Bruit et agitation

Que diraient nos philosophes de ce monde moderne où affiches, sonneries et autres gingles se disputent notre attention, où les publicités de plus en plus foisonnantes déplacent le sens du bonheur vers des objets extérieurs, où l’on valorise plus que tout l’action rapide et tous azimuts et où finalement on ne sait plus où diriger ses pas ni de quoi on a réellement envie à force d’avoir envie de tout ? Les publicités ne tiennent pas leurs promesses de bonheur (comment le pourraient-elles ?), la recherche effrénée du plaisir ne débouche que sur des déceptions et la vie elle-même en perd sa saveur.

Pourtant, si l’on prenait le temps de se poser, d’être simplement présent à soi-même au lieu de chercher dans l’action extérieure le remède miracle, peut-être trouverait-on enfin ce que l’on cherche.

L’observation de la difficulté à se concentrer

Dans des situations de la vie quotidienne

Avez-vous déjà essayé d’avoir une conversation fluide avec quelqu’un qui, à intervalles réguliers tourne son regard vers un téléviseur allumé ou pianote sur son téléphone ? Ou encore avec quelqu’un qui vous bombarde de questions et se met à parler dès que vous ouvrez la bouche pour y répondre ? J’imagine que oui et j’imagine aussi que l’échange vous a demandé des efforts de patience et d’adaptation, à moins que vous n’ayez préféré capituler…

Vous avez sans doute aussi été dans la situation d’essayer de vous concentrer sur un travail et d’être fréquemment interrompu par un appel téléphonique ou par l’annonce d’un SMS. Chaque fois, la pensée va devoir se réadapter et un effort est à nouveau nécessaire pour revenir à ce qui vous occupe. Le mieux est sans doute d’éteindre le téléphone, mais avec le mode de vie moderne, on se sent souvent obligé d’être présent et actif sur tous les tableaux, tel un PDG surmené.

Ce monde aux valeurs unilatéralement tournées vers l’action extérieure, même futile, est aussi un monde malade. Aussi, on croise un nombre croissant d’individus dans un profond mal-être. Empêtrés dans une confusion sans fond, habitués qu’ils sont à zapper d’une chose à l’autre, certains en font de même avec les thérapies et plutôt que de s’en tenir à un choix, ils n’écoutent que leur impatience et courent d’une solution miracle à une autre, en quête d’une tranquillité d’esprit qui toujours semble s’éloigner.

Les exemples de ce type fourmillent dans la vie de tous les jours et on pourrait en citer des centaines…

 En cours de Hatha Yoga : regard et pensée

Etre enseignant implique une observation fine et bienveillante de ceux qui nous accordent leur confiance. Dans un cours de yoga, si certains élèves se sentent d’emblée dans leur élément et se plongent dans l’intériorisation avec aisance, parfois avec délectation, il n’en va pas de même pour d’autres. En méditation, leurs yeux s’ouvrent comme pour vérifier que le monde connu est toujours là ; lorsqu’il est demandé de fixer un point, le regard papillonne de ci de là, incapable d’observer l’immobilité prescrite. Or cette mobilité du regard trahit précisément l’incapacité à se libérer du flux de pensées indésirables qui nous assaillent dans la vie quotidienne.

Différentes sortes de pensée

Il faut bien faire la différence entre d’une part la pensée discursive, donc analytique et nécessairement teintée par les divers conditionnements qui nous façonnent et d’autre part, la pensée intuitive, qui relève d’un niveau de conscience autre.

Dans la pensée discursive, souvent subie, les idées s’enchevêtrent de façon plus ou moins harmonieuse, avec en arrière-plan un désir de logique et de cohésion… Mais les idées elles-mêmes suivent des chemins souvent contradictoires et difficiles à concilier. On essaye alors de tout faire entrer dans le cadre, faisant fi des inévitables incohérences.

Avec l’intelligence intuitive, elles apparaissent comme des flashes, comparables à des révélations, petites ou grandes, mais toujours opportunes. La logique n’a pas nécessairement sa place ici et on parle souvent d’irrationnel. Mais cet irrationnel ne relève-t-il pas d’une logique supérieure, qui échappe à notre connaissance humaine, du moins dans l’état actuel des choses ?

Si la première est fort utile pour vivre dans le monde, pour peu qu’elle soit canalisée, elle n’est en rien supérieure à la seconde. C’est cependant celle-ci qui est valorisée dans notre société, à un degré tel qu’il ne reste plus de place à la seconde, sinon celle que l’on veut bien lui faire. Et dans la société moderne, où notre regard est sans cesse sollicité, notre attention dispersée, il faut souvent réapprendre à faire de la place dans son esprit, à y établir le silence, pour revenir à soi et au regard intérieur.

En séance de Yoga Nidra : fuite dans le sommeil ou cogitation

Les séances de Yoga Nidra suscitent des observations similaires. La recherche du Yoga Nidra est l’état “entre-deux”, entre veille et sommeil, celui que nous connaissons de façon fugace aux moments du réveil et de l’endormissement. Pour un certain nombre de pratiquants, plusieurs semaines, parfois des mois sont nécessaires pour parvenir à cet état. Il s’agit ici de cultiver un forme de concentration bien spécifique. Les ornières les plus courantes sont de deux sortes : soit ils plongent dans un sommeil opaque, épuisés par une journée énergivore, soit ils ne “lâchent pas” et continuent à cogiter. Cette deuxième forme de fuite est moins courante après un cours de Hatha, car les étirements et autres techniques ont généralement eu raison des tensions.

 

Silence et immobilité dans le Hatha Yoga

Autrement dit, dépenser son énergie majoritairement vers l’extérieur est non seulement déséquilibrant, mais épuisant. L’attitude méditative propre au yoga permet au contraire de reconstituer une réserve d’énergie, notamment en le débarrassant de cette multitude de pensées incontrôlées, en créant de l’espace dans le mental, en retournant l’observation vers soi-même.

Déjà au XVIIème siècle, Blaise Pascal dénonçait la tendance à la distraction (voir citation en début d’article).  Il proposait aussi la solution : calme, solitude… En d’autres mots, être en tête-à-tête avec soi-même et y trouver le calme de l’esprit.

Le Hatha Yoga est en lui-même une recherche d’immobilité mentale.

Cette démarche n’est pas seulement présente dans la méditation. Dans le Natha Yoga, ou Hatha Yoga des origines, elle est fondamentale. Aussi la retrouve-t-on à tous les niveaux, car l’être ne peut être compartimenté et ces différents niveaux sont interactifs :

  • Asanas (postures). Contrairement aux yogas modernes, qui privilégient le mouvement et l’aspect gymnique de la pratique, dans les postures selon le Hatha Yoga des origines, tout tend à l’immobilité. Le corps tout entier reste statique, les membres, le dos, la tête, bien sûr, mais aussi les yeux, ouverts et fixes dans certaines postures, fermés et convergents dans d’autres.
  • La respiration s’immobilise dans les rétentions à poumons pleins ou vides. Quant au flux d’air qui circule lors de l’inspiration ou de l’expiration, s’il est assez important au début de la pratique, ce pour libérer les tensions et purifier le corps, la recherche ultime de la pratique est celle du “non souffle” c’est-à-dire l’arrêt du souffle physiologique, la respiration devenant presque exclusivement énergétique.
  • Le mental se concentre sur la tenue de la posture, des mudras (gestes, notamment bandhas et drishtis) et aussi sur la visualisation du souffle énergétique, élément essentiel du Natha Yoga. L’idée est de synchroniser ces différents points d’attention, de les concentrer en une seule réalité. Le silence se fait dans l’esprit et on atteint ainsi l’état de pure présence et d’unité. Yoga, rappelons-le, signifie union : union de toutes les parties de soi et union de soi avec l’univers.

Lorsque on atteint cet état, l’esprit trouve alors le silence qu’évoque Lao Tseu. Il est si puissant qu’il ne peut se laisser distraire par des futilités. Il sait ce qui est essentiel pour lui. Plus de perte d’énergie ou de temps. Cette sagesse ne s’acquiert pas en un jour, certes, mais chaque moment de pratique nous en rapproche. Quel que soit le niveau mental dans lequel on se situe, l’amélioration est sensible.

Le yoga, voie royale

La voie du yoga authentique est donc la voie royale pour trouver cette sérénité qui nous permet d’accéder à nos désirs profonds, de les réaliser et de nous accomplir dans la voie qui est la nôtre, sans faux-semblants ni auto-complaisance.

Régularité et persévérance apportent des trésors !

Sylvie Clément

 

Et en anglais sur BookYogaRetreats :

https://www.bookyogaretreats.com/fr/news/silence-and-stillness

 

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