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Cure ayurvédique et joli Fort Cochin

Ma cure ayurvédique

Ce charmant jeune-homme à quatre bras n’est autre que le dieu Dhanvantari, j’ai nommé le gardien de l’Ayurveda, la médecine traditionnelle indienne. Ses attributs, tenus chacun dans une main sont la conque, dont le son puissant est à même de détruire tous les virus d’une pièce, les herbes médicinales, aux vertus spécifiques, les textes sacrés de l’Ayurveda, sur lesquels se base tout praticien ayurvédique sérieux et, dans la coupe d’or, le plus précieux de tous, l’Amrita ou élixir d’immortalité. 

Discipline indienne millénaire, cousine du Yoga, la “science de la vie” (traduction d’Ayurveda) a subi de nombreuses pressions, notamment son interdiction par les Britanniques, favorisant sans doute le développement d’une autre médecine douce fort connue ici, l’homéopathie.

Elle est cependant si ancrée dans la tradition qu’elle n’a eu aucun mal à refaire surface en 1947 et à l’heure actuelle, les centres ayurvédiques fleurissent abondamment en Inde, notamment au Kerala, où certains y ont vu son origine, origine aujourd’hui attribuée à la vallée de l’Indus, où il serait né au deuxième millénaire avant notre ère. 

De nos jours en Inde, pour devenir médecin ayurvédique, il ne faut pas moins de sept années d’études, tout comme c’est le cas en France. L’Ayurveda est un tout, qui tient compte d’énormément de critères. Il est donc vain de vouloir ramener ce système complexe aux seuls Dosha : constitutions individuelles. 

Sur les lieux de la cure

Après un voyage de 200 km étalé sur une journée, où j’ai franchi la frontière inter-état qui sépare le Kerala du Tamil Nadu, j’arrive sur mon lieu de cure. Il m’a été recommandé par une grande habituée de l’Inde. Pour avoir vu sur YouTube les complexes hôteliers spécialisés dans l’Ayurveda, je comprends bien cette recommandation d’authenticité… Ici, rien d’aguicheur ou de superflu. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une résidence hôtelière, mais bien d’une clinique, ancien dispensaire allopathique reconverti. La première impression, qui ne sera jamais démentie, est une impression de propreté, de calme et de souple rigueur. Cela tombe bien, c’est exactement ce que je suis venue chercher ici !

La chambre qu’on m’alloue relève des mêmes critères. Aucun luxe superflu, mais l’essentiel y est, notamment l’espace, mon meilleur ami ! Dans une même pièce, je dispose de deux lits, d’un salon et d’un bureau ; elle est prolongée d’un côté par une cour arrière, d’où je pourrai bientôt admirer des paons, et de l’autre par un charmant vestibule menant à la salle de bains. Mes deux portes sont doublées d’autres portes dotées de moustiquaires, permettant une ventilation naturelle de la pièce, si bien que je n’utiliserai que rarement mes ventilateurs et jamais le système d’air conditionné…

D’emblée, j’adore ce nouveau chez moi, où je vais séjourner trois semaines, le temps d’un Panchakarma, comprenez cure de purification et base de tout traitement ayurvédique, si traitement il doit y avoir ! Autant bien s’y sentir, car il nous est conseillé d’y passer le plus clair de notre temps. Aspirant justement à ce “confinement” relatif et consenti, ne m’ennuyant jamais, avide de temps et d’espace, je jubile d’avance… 

Autre charme du lieu, les chambres sont disposées autour d’un grand carré de verdure, à la façon d’un cloître. Tout est à proximité, la fontaine où remplir vos cruches d’eau, la balance où se peser, les salles de massage, la bibliothèque, les bureaux de la direction, la pharmacie ayurvédique, qui recèle des merveilles telles que poudres et baumes aux senteurs exotiques…

Les médecins eux-mêmes et les employés qui le souhaitent habitent aussi sur place. Nous sommes sur un vrai campus, pratiquement autonome si l’on tient compte du fait que l’on cultive sur place presque tout ce qu’on y mange !

Ce lieu se trouve en pleine nature et en montagne, si bien que je n’ai pas eu à souffrir de la chaleur ! J’ai pu apprécier la présence de superbes paons, dont on entendait tout le jour le cri “léon” (moi, j’entendais “léo”) sur tous les tons, ce qui donnait parfois l’impression de véritables conversations, dont l’effet était souvent comique ! Certains venaient jusque dans ma cour, tout comme les vaches élevées sur place pour leur lait, des vaches immenses, chouchoutées, lavées chaque semaine à l’eau de curcuma, pour une hygiène sans faille. Mais le plus merveilleux pour moi était les visites de biches tôt le matin ou bien au crépuscule, des biches comme je n’en avais jamais vu : non pas beige ou marron, mais en robe léopard ! Quelle élégance surréaliste ! Plus sauvages que les paons ou les vaches, elles ne se laissaient pas approcher, à peine filmer !

 

Rythme quotidien

Le premier jour est marqué par une longue consultation médicale, lors de laquelle on vous pose toute sorte de questions sur votre façon d’être, votre appétit et vos habitudes alimentaires, votre sommeil, vos rêves… un interrogatoire qui surprendrait dans une consultation allopathique. Tout comme en Yoga, l’être est ici considéré dans sa globalité, d’où la nécessité de le connaître au plus près.

Le traitement s’articule autour de différents axes : la diététique, le repos physique et mental, les massages… Auxquels il est conseillé de rajouter Pranayama et méditation.

La vie ici est réglée comme du papier à musique :

  • Lever entre 4 et 6 heures du matin. J’avoue avoir plutôt penché vers la deuxième borne de cet horaire. 
  • 7h15 : petit déjeuner servi en chambre 
  • Prise de la tension vers 8h30
  • Première visite de la doctoresse entre 9h30 et 10h30
  • Déjeuner à midi servi en chambre aussi, puisqu’il est déconseillé d’entretenir des liens sociaux, ce afin de se consacrer à la cure exclusivement !
  • Massage dans l’après-midi s’il n’a pas eu lieu le matin
  • goûter vers 15h30
  • Deuxième visite de la doctoresse vers 17 heures
  • Vers 17h30, distribution du traitement pour le jour suivant
  • Vers 18h30, passage de Monsieur encens qui, muni d’un encensoir, circule dans la chambre et la salle de bains pour purifier les lieux
  • 19h30, on vous apporte le dîner
  • A 21 heures au plus tard, vous éteignez vos lumières et partez rejoindre Morphée. Rassurez-vous, personne ne vient contrôler !
Si tant de rigueur peut effrayer, ce rythme est en réalité extrêmement bénéfique et appréciable. Il a quelque chose de rassurant, voire de revigorant, mentalement parlant. 
 
J’allais oublier de mentionner dans ce programme la possibilité de participer à 17 heures tapantes, à la session quotidienne de “chanting“, qui n’a rien à voir avec du chant, mais qui s’apparente plutôt à une récitation très scandée de textes sur l’Ayurveda, non sans rapport avec l’hindouisme, les deux étant imbriqués. Je n’y ai jamais participé, ce pour plusieurs raisons : la frustration de ne pas comprendre les textes, le fait d’entendre le tout depuis ma chambre et enfin le plaisir de flâner tranquillement.
 
J’y ai largement préféré la séance hebdomadaire de “Bhajan“, où il est question de chanter des chants sacrés. La séance était menée par une dame âgée, dont j’appris qu’elle n’était autre que la mère du docteur (un des trois médecins du centre), ainsi que par deux employés, dont un jeune homme à la voix profonde et émouvante. On sentait son âme totalement engagée dans son chant. Je ressortais de ces sessions d’humeur calme et méditativee

Les massages et autres traitements

Ces derniers font partie intégrante du traitement.

Je m’attendais naïvement aux massages ayurvédiques tels que je les connais et tels que nous en proposons à La Note Épicée. Il me faudra attendre les trois derniers jours pour pouvoir goûter à ce type de plaisir ! En effet, dans le cadre du traitement, vous sont prescrits les soins qui correspondent à votre état et à son évolution. Il y en a toute une panoplie.

Le cadre mérite à lui tout seul son petit paragraphe. Une jeune femme (pour les femmes) vient vous chercher et main dans la main vous emmène au sanctuaire de massage. Il s’agit d’une pièce relativement spacieuse où trône une immense table en bois massif, spécialement conçue pour le massage avec, notamment des trous pour l’évacuation de l’huile (ou autres liquides susceptibles d’être utilisés). Là, vous vous déshabillez, on vous rhabille aussitôt d’un cache-sexe en coton, puis on vous assoit et les masseuses entonnent une brève prière à l’intention de Dhanvantari, qu’on m’a ici présenté non comme un dieu, mais comme une déesse, ce que semblait confirmer la jolie statuette en laiton. 

Les masseuses sont généralement au nombre de trois : une de chaque côté de la table et la troisième pour préparer l’huile, les pochons, ou tout autre accessoire utile au soin. L’une d’elle choisit un fond sonore : le Mantra qui accompagnera votre massage.

J’ai donc eu droit pendant les quatre ou cinq premiers jours à un vigoureux martellement du corps avec des pochons pleins d’herbes médicinales que l’on trempait dans de l’huile chaude, médicinale aussi, dont les deux masseuses contrôlaient la température (ouf !). Ce traitement initial a pour but de débarrasser le corps des premières toxines. J’ai d’abord trouvé cela amusant et revigorant, mais on s’en doute, au bout du troisième, j’ai aspiré à plus de douceur !

 J’ai bien apprécié le traitement suivant, qui consistait en de larges pressions du corps, la chair étant pour ainsi dire pincée entre les paumes de mains et les doigts, fermement, mais avec douceur, ce pendant trois quarts d’heure environ.

Puis les pochons d’herbes médicinales revinrent, manipulés cette fois-ci comme des balles de massage. La consistance des pochons et le mélange avec l’huile donnaient à ce soin une douceur indéfinissable, assez sensuelle en fait.

Vint ensuite la période des douches d’infusion. Je ne sais trop comment les appeler autrement. La troisième masseuse faisait chauffer une décoction longuement préparée, dont elle approvisionnait les deux autres. Celles-ci, munies de petits arrosoirs en laiton, rappelant vaguement la lampe d’Aladin, faisaient doucement couler ce liquide tiède sur toutes les parties du corps. Ceci pour faire face à l’éruption cutanée dont j’étais affublée, signe que la purification interne était bien à l’œuvre.

Les prescriptions de soins externes étant toujours en rapport avec les consultations médicales quotidiennes, les pressions du corps revinrent, puis les douches d’infusion, mais avec une autre décoction. Enfin, j’eus droit à mon massage Abhyanga, qui dans le sud de l’Inde est essentiellement du lissage, la finalité première dans cette région étant l’application de l’huile médicinale ad hoc. Le médecin me dit d’ailleurs que dans mon cas, une application prématurée de cette huile aurait saboté l’ensemble du traitement. Il faut dire que ces huiles sont extrêmement puissantes et qu’on ne lésine pas sur la quantité. Je voyais les masseuses en vider un flacon entier (de 200 ml ou plus) dans une casserole pour en faire chauffer le contenu qui allait finir sur ma peau !

Il est à noter que les mouvements des deux masseuses étaient orchestrés comme une chorégraphie et leurs mains s’affairaient en une parfaite coordination. Il faut dire qu’elles ne font pas moins de trois massages quotidiens, occupant le reste de leur temps à traiter les plantes médicinales cultivées sur place à dessein, à distribuer les remèdes ou encore à d’autres tâches, comme refaire les lits. Les draps sont d’ailleurs changés deux fois par semaine. Le ménage est assuré par d’autres équipes.

Les séances de massage se terminaient toujours par ce qu’il est coutume d’appeler là-bas “le bain”. Après m’avoir débarrassée de mon cache-sexe, une des masseuses venait avec moi dans la salle de bains adjacente et me lavait littéralement, avec une poudre de plantes mélangée à de l’eau tiède pour les cheveux et une autre pour le corps ! On me faisait prélever une quantité destinée à laver par moi-même visage et parties intimes (tout de même), puis, on me rinçait longuement, le tout en prélevant dans un seau de l’eau à ma température préférée pour la déverser sur mon corps. Ce moment était très agréable aussi.

Une fois rhabillée, on déposait sur mon front une touche de pâte de santal et une autre au creux du cou. Puis, toujours main dans la main, mon ange gardien me ramenait à ma chambre (nommée Kumudhumani, elle apparaitsur la première photo).

En dehors de ces traitements externes et des cinq ou six remèdes quotidiens à prendre à heure fixe, il y a eu dans cette aventure deux journées particulières, la première située trois jours après mon arrivée, la deuxième, trois jours avant mon départ. C’étaient des journées de purification intense, qui ont pris la forme de purges redoutablement efficaces ! 

Les repas

Ah, si on pouvait manger ainsi dans les hôpitaux de France ! Imaginez des repas savoureux et variés, préparés chaque jour avec des produits extra-frais cueillis juste avant d’être cuisinés, car cultivés sur place ! Eh oui, le centre a ses propres jardins ! 

Il y a quatre repas par jour : petit déjeuner, déjeuner, goûter et dîner. Le déjeuner est de loin le plus copieux. Il comprend généralement plusieurs plats, présentés en cercle dans de petits ramequins en inox. La conception même de ces plats est dictée par les règles de l’Ayurveda, selon lequel on doit respecter un certain équilibre des goûts. Ainsi le salé, le sucré, l’amer, l’astringent (comprenant l’acide et l’aigre) et le goût fort (pimenté) doivent être représentés dans l’alimentation, les deux derniers goûts en moindre quantité. On prend soin de varier les textures aussi. Les épices sont présentes, mais si bien intégrées qu’on a quelquefois du mal à les identifier. Les feuilles de curry fraîches, souvent visibles, distillent un goût inimitable, les graines de moutarde, la cardamome, le curcuma, le gingembre, l’ase fétide et bien d’autres encore, savamment dosées, forment ces mets uniques, dont je ne me suis lassée à aucun moment. Quant au riz, omniprésent, il est travaillé de maintes façons, inconnues dans nos contrées… Bien qu’adorant la cuisine du nord de l’Inde, je crois y préférer celle du sud, aux saveurs plus subtiles et plus variées. 

Je pourrais vous en conter encore, mais je préfère écourter ce récit en espérant vous avoir donné envie de découvrir par vous-même cet univers riche et un peu envoûtant !

 

Un documentaire vidéo

Si vous avez envie d’en savoir plus sur ce lieu ou sur l’Ayurveda, je vous suggère de visionner “Les chemins de l’Ayurveda”, documentaire présenté sur YouTube, qui fait apparaître deux établissements : “Nikki’s nest”, un splendide hôtel kéralais pratiquant l’Ayurvéda et “SDJ”, la clinique ayurvédique dont je vous parle ici. C’était amusant d’y revoir ceux que j’ai côtoyés pendant trois semaines

Cochin, mon amour

Derrière ce titre un peu expansif se cache la véritable tendresse que je nourris pour cette ville. Je devrais d’ailleurs dire “Fort Cochin”.

Erkulanum, que je traverse sans y prêter attention car elle ressemble à n’importe quelle agglomération, abrite en son centre la ville de Cochin. Et Fort Cochin représente le cœur de Cochin, la partie historique, où se fondent culture indienne et vestiges hollandais, anglais et portugais. Ce mélange se retrouve évidemment dans l’architecture, qui crée une ambiance particulière, d’une beauté irrésistible selon moi. Dès que je pose un pied dans cette ville, je me sens chez moi. C’est un peu vrai du Kerala tout entier, mais Fort Cochin me touche plus encore!

J’y retrouve d’ailleurs mon petit hôtel bien amical, toujours le même, avec ses jolies chambres disposées autour du jardin central, luxuriant pour un jardin de ville ! Et puis aussi les deux personnages du lieu : Anil, le gérant, et Madu, qui ne quitte jamais les murs de l’hôtel. Ces deux amoureux de la chanson s’adonnent le soir à leur passe-temps favori et, branchant micro et ampli poussent la chansonnette, de style indien ou kéralais, invitant d’autres amateurs comme eux. Ils étaient trois (bons) chanteurs lorsque je les ai connus, le groupe atteint aujourd’hui sept ou huit membres, auxquels je me suis jointe le soir de mon départ, pour chanter quelques standards de jazz (eh oui, j’avais des bandes son sur mon ordinateur !) Ils ont bien apprécié ce style de musique, dont ils sont peu familiers.

J’ai cette fois-ci retrouvé Cochin en pleine fête d’Onam, une fort ancienne célébration de la culture du riz. Onam, ce n’est pas rien et les trois petites filles que vous pouvez voir sur la photo ont revêtu leurs habits de fête. Le blanc est très à l’honneur. Les hommes portent pour l’occasion un dothi (sorte de pagne) blanc, ou parfois couleur crème. Les écoles organisent des jeux, les hôtels participent à des concours de mandala élaborés avec des fleurs fraîches, que l’on voit aussi orner les chevelures. Sur la route entre le lieu de cure et Cochin, Midhun, le chauffeur de taxi, m’explique maintes curiosités. Il me montre les camionnettes chargées de fleurs fraîches, qui seront livrées un peu partout en ville… Tous se réjouissent de cette fête annuelle, célébrée sur une dizaine de jours ! 

Je pourrais vous parler plus longuement encore de ce coin du monde au charme suranné, évoquer la douceur ineffable qui y règne, le sourire des gens, leur bienveillance, la beauté et l’élégance des saris, dont je prie pour qu’ils ne disparaissent jamais… 

Mais je ne saurai vous accaparer plus longtemps… Ni me laisser envahir par la nostalgie. Je vous quitte donc sur ces quelques souvenirs, qui se transformeront bientôt en retrouvailles.

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